Problématique générale

Mon blog rassemble l'ensemble de mes recherches, réflexions et interrogations autour de la question de la transculturalité dans ma pratique au quotidien de travailleur social auprès de personnes migrantes, notamment des femmes isolées avec leurs enfants. Je puise la plupart de mes sources dans les recherches effectuées en psychiatrie transculturelle, c'est-à-dire le fruit d'un croisement entre la psychanalyse, l'ethnologie et l'anthropologie.

lundi 9 mars 2009

Bilinguisme des enfants de migrants

J'ai pris connaissance il ya quelques mois de l'intégralité du rapport Benisti, rédigé dans le cadre d'une élaboration commune de quleques politiques et soignants, autour de la perspective de la prévention de la délinquance.
Il y est stipulé que l'on doit absolument inciter les parents issus de la migration à parler exclusivement français au sein du foyer. Parler leur langue maternelle serait un facteur de risque dans l'apparition de la délinquance chez les jeunes...
Toutes les études menées sur le terrain par des psychologues, des sociologues, des ethnocliniciens, montrent qu'au contraire, l'apprentissage et la maîtrise de la langue maternelle pour un enfant de parents migrants, est un facteur favorisant l'apprentissage de la langue du pays d'accueil. Le développement psycho-affectif d'un enfant dépend principalement des interactions qu'il a avec sa mère, puis secondairement avec son père. Comment, pour une mère, materner un enfant, lui transmettre son héritage culturel (la langue étant ce qui clôture une culture, d'où un élément fondamental de l'identité culturelle), si on lui demande de parler une langue qu'elle ne maîtrise pas, ou en tout cas qui n'est pas chargée affectivement pour elle ?

Dans mon accompagnement au quotidien auprès des mères isolées, j'observe fréquemment que certaines tendent à ne plus utiliser leur langue auprès de leurs enfants, espérant favoriser leur intégration. Je les incite à transmettre leur langue à leurs enfants. Si l'on se penche un peu sur la clinique auprès de ces femmes isolées et exilées avec leurs enfants, on prend conscience du drame que représente le vécu migratoire dans leur histoire de vie. L'assimilation totale à la culture du pays d'accueil est d'une part impossible, et d'autre part, génère des conflits intrapsychiques qui se répercutent sur leurs enfants. Il est impossible de construire un lien d'attachement pour une mère qui ne reconnaît pas son enfant comme le sien -la transmission culturelle étant un élément inhérent à la construction du lien parent-enfant.

Ne prend-on pas le problème totalement à l'envers dans cette façon d'aborder la question de la délinquance ? Le bilinguisme favorise l'intégration future des enfants, en leur permettant d'être reconnu par leurs parents, leur groupe d'appartenance...

5 commentaires:

  1. Bonjour Morgane,il est certain que ce qui prime pour un enfant c'est l'amour de sa mère; c'est ainsi qu'il se développera sans manque affectif et il est reconnu que c'est cela qui permet à un jeune de se construire. Continuer à s'exprimer dans sa langue maternelle me semble donc essentiel; pourtant il est aussi important de maîtriser la langue du pays d'accueil, tant pour la mère que pour l'enfant. C'est cela aussi qui permettra une intégration réussie. On ne peut pas vivre dans un pays sans intégrer sa culture. Cela ne veut pas dire qu'il faille renier la sienne. C'est cela l'interculturel

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  2. Entièrement d'accord avec toi. C'est vrai qu'un des problèmes est parfois l'accès aux femmes, quand les maris fonctionnent en France sur des modèles traditionnels qui visent à confiner leurs femmes dans l'espace privé familial.
    Les femmes que j'accompagne en centre maternel font souvent partie de celle qui ont refusé le joug masculin (fuite d'un mariage forcé au pays, refus d'être "co-épouse" en France...). Il faut les accompagner dans la découverte de notre société, en les aidant à ne pas renier leur culture. C'est cela la possibilité d'ouvrir une 3e voie, entre ces 2 extrêmes que sont l'assimilation totale et le repli communautaire : la voie du métissage, espace d'expression des potentialités, de la possibilité de création pour l'enfant !
    Merci pour ton message.

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  3. Bonjour Morgane!
    Vivre ensemble la diversité culturelle est un véritable devoir société et un vrai travail sur soi pour les personnes migrantes. Bien qu'elle soit très importante , la langue maternelle est vite laissée de côté une fois dans le pays d'accueil.Je reviens à ces migrants de s'adpater et de se conformer aux lois et contraintes du pays d'accueil.Il sera peut être bien que tu fasses des entrétiens auprès de ces femmes et que tu mettes les témoignages sur ton blog.Mais la question est de savoir si tu as accès direct avec ces femmes et leurs enfants?
    Cela ne doit pas être facile pour ces femmes qui peut-être souflent de deracinement soient confrontées à l'isolement et surtout quel est l'impact psychologique de cette mode de vie sur les enfants?.

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  4. Salut morgane, je trouve étrange de parler de mon sujet sur ton blog, mais je t'informe que je n'ai pas toutes les réponses a tes questions.J'ai lancé un appel pour pouvoir y remédier.
    J'ai laissé un commentaire sur mon blog pour essayer de répondre a tes questions.
    germain

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  5. Bonjour Morgane!!

    Pour ma part, je pense que le bilinguisme est fondamental pour permettre aux enfants migrants de s'épanouir dans le pays d'accueil quel qu'il soit. A ce propos, je souhaite te livrer la suite d'une réflexion. J'ai posé une question dans le premier commentaire que je t'ai posté (sur ton 1er message) à laquelle j'aimerais tenter de répondre concernant l'accueil et l'accompagnement des Mineurs Etrangers Isolés:

    Qu’ils aient été victimes de la guerre civile dans leur pays, de tortures, de viols, voire d’esclavage, les MEI ont connu des parcours terrifiants. Malgré tout ce qu’ils ont subi, ces jeunes font preuve d’extraordinaires capacités d’intégration. Ce public est considéré dès lors comme particulièrement « méritant ». La déduction de ce raisonnement amène à penser que ces jeunes n’ont pas le droit à l’erreur ; d’une part en quittant leur pays, ils doivent réussir à subvenir aux besoins de leur famille et d’autre part ils se doivent d’être exemplaires pour avoir une chance minime de rester en France. Cette distinction entre bons et mauvais MEI, entre ceux qui valent la peine d’être accompagnés jusqu’au bout de leur projet et les autres, se heurte à la question du travail social en général. De quel droit se permet-on de juger si tel ou tel est méritant ? En fonction des circonstances extrêmes de sa venue en France ? Ou bien encore selon sa bonne conduite ?
    Le travail social tient un rôle de médiateur entre les institutions et les usagers. Toutefois il reste limité dans le sens où il entretient indépendamment un lien avec les champs économique et politique. Les MEI font l’objet de discriminations, ce qui pose problème au regard des principes éthiques et déontologiques qui fondent le travail social. En outre, cela montre les difficultés rencontrées pour mettre en place un processus d’intégration des MEI dans la société française.
    Les effets pervers des démarches visant à régulariser les MEI donnent des résultats catastrophiques sur le terrain. On assiste à l’apparition de jugements de valeur dans les prises en charge. Les éducateurs doivent rester vigilant dans ce rapport à l’autre inscrit dans l’interculturel, qui entraîne une différenciation de la personne étrangère et l’enferme dans ce statut.
    Le rôle de l’éducateur auprès d’un jeune MEI réside dans l’aide et l’accompagnement du projet personnalisé en vue de la construction d’un avenir sollicitant au mieux les capacités du jeune pour lui permettre de réaliser ses envies. Dont acte. Cela implique alors un changement de vie radical avec l’inscription dans une nouvelle culture parallèlement à celle d’origine. Aussi faut-il tenir compte de leur passé dramatique incluant les divers effets psychologiques liés à l’exil, la perte des parents et le choc culturel. Par ailleurs, en considérant que ces jeunes ne quittent pas leurs racines par choix propre, ce départ apparaît alors comme une demande de protection au pays d’accueil et correspond à l’espoir d’une vie meilleure.
    Les MEI vivent deux logiques institutionnelles que sont, d’un côté, la protection de l’enfance et de l’autre, le contrôle des flux migratoires. C’est cet état de fait qui place chacun des acteurs dans une situation paradoxale, notamment en ce qui concerne la scolarité des jeunes, condition sine qua non de leur possible intégration. En effet, comment mener un projet d’insertion au sein d’une formation professionnelle sans pouvoir bénéficier d’un contrat de travail compte tenu d’une situation irrégulière ?
    Hormis l’accueil et le soutien au sein de la MECS, il faut anticiper, dès son admission, la fin de l’accompagnement du jeune. Il appartient à l’éducateur d’aborder cette question particulièrement complexe avec des partenaires comme l’Education Nationale et les nombreux secteurs associatifs afin que le jeune se sente intégré et entouré dans la mise en œuvre de son projet et de sa vie future.

    En définitive, il semble inopportun, sinon impossible, d’apporter une réponse claire à la question posée dans le précédant commentaire posté. Car, si l’éducateur est effectivement en mesure de monter un projet individualisé avec le jeune MEI, de nombreux obstacles tant institutionnels que culturels et sociologiques subsistent sur le parcours sinueux des jeunes migrants. L’éducateur paraît donc avoir pour objectif essentiel l’autonomisation de ce mineur étranger isolé dans une perspective plus ou moins immédiate de séparation. Retour au pays (contraint ou volontaire), clandestinité, régularisation ou migration vers d’autres pays, la rupture apparaît inévitable. Mais n’est-ce pas le propre de toute relation éducative ?

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